Des grilles baissées, un portail fermé, des vigiles avec des chiens. Le week-end dernier, Philips a, par surprise, interdit à ses 212 derniers salariés d’accéder à leur usine de Dreux (Eure-et-Loir) à compter de cette semaine, tout en leur proposant un reclassement à 450 euros par mois en Hongrie, là où la multinationale de l’électronique délocalise leur production de téléviseurs (lire l’Humanité du 16 février). Hier après-midi, près de 150 d’entre eux ont fait le déplacement à Chartres où, en référé, le tribunal devait examiner leur recours contre cette forme de lock-out et contre cette entrave à l’action syndicale, alors que, selon eux, la procédure d’information-consultation obligatoire sur le plan de fermeture de l’usine n’est pas terminée… Par moments, l’audience a tourné au procès de Christian Estrosi qui multiplie, depuis dimanche, les interventions en défense de la direction. « Philips n’est pas un patron voyou », assure par exemple le ministre de l’Industrie.
À la barre, Me Sandra Renda, avocate de FO, dénonce une « tentative de mise à mort sociale orchestrée » avec la complicité « dans l’ombre » du locataire de Bercy. « Monsieur Estrosi, c’est le nouveau DRH de Philips qui vient dire que c’est un modèle à suivre », estime-t-elle. Pour Me Magali Vertel, avocate du syndicat CGT, « la direction en vient à utiliser le lock-out comme une arme d’intimidation pour empêcher de faire grève » : « elle avait déjà essayé, le 9 février, d’extorquer un avis positif aux élus du personnel contre une prime supplémentaire de 5 000 euros et un téléviseur made in Hungary » ! Au nom des instances représentatives du personnel (CCE, CE, CHSCT), Me Zoran Ilic démontre, lui, qu’elles n’ont pas été consultées en bonne et due forme sur cette fermeture anticipée. Pour la direction de Philips, Me André-Luc Jeannot considère que la procédure d’information-consultation s’est achevée le 28 janvier, malgré le fait que, faute de réponses satisfaisantes aux questions posées, les instances ont été placées dans l’incapacité de donner un avis. « C’est en toute transparence que l’entreprise cesse ses activités », argue-t-il.
De leur côté, les salariés réclament, sous astreinte, la reprise du travail, la fin du lock-out et la suspension du plan de fermeture. L’ordonnance sera rendue ce vendredi après-midi. Et ce jeudi matin, les syndicalistes de Philips ont rendez-vous avec Christian Estrosi, au ministère de l’Industrie. L’échange promet d’être musclé.